- Clément Poissonnier
Sri Lanka : Un pays sous perfusion
Le Sri Lanka et son gouvernement tentent de calmer les manifestations violentes qui sévissent dans tout le pays. Gotabaya Rajapaksa, le président du pays, a également décidé de renvoyer son frère Basil Rajapaksa du ministère des Finances. Retour sur un contexte tendu qui enflamme le pays.
Les Sri Lankais ont multiplié les manifestations violentes à travers le pays, demandant la démission du Président Gotabaya Rajapasksa. Pour calmer la vindicte populaire, ce dernier a annoncé ce 4 avril la démission de 26 membres de son gouvernement. Il avait même renvoyé son frère du ministère des Finances et instauré un couvre-feu illimité le 1er avril dernier. Ces mesures n’ont pas permis de pacifier le pays et le nouveau ministre des Finances, Ali Sabry, a annoncé sa démission un jour après sa nomination. Il a déclaré avoir agi « dans le meilleur intérêt du pays ».
La maison du Président avait été attaquée le 31 mars dernier par la foule en colère et les policiers étaient intervenus, faisant 1 mort. La mesure de blocage des réseaux sociaux avait mis le feu au poudre. Il ne reste désormais plus que le Président et son frère Mahinda Rajapaksa, actuel Premier ministre du pays. On notera quand même que les autres membres du gouvernement qui faisaient partie de la famille Rajapaksa ont démissionné.
Une crise politique sur fond de crise économique
Le pays insulaire d’Asie-Pacifique connaît sa plus grande crise depuis son indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne en 1948. Le contexte politique local est simple. Depuis la victoire de Mahinda Rajapaksa, le frère du Président actuel en 2009 contre les Tigres Tamoul après plus de 30 ans de guerre, le pays peine à stabiliser son économie. Selon la Direction générale du Trésor, « le déficit budgétaire du pays se creuse (11,1% du PIB) en raison d’une collecte fiscale limitée et de dépenses alourdies par les intérêts dans la dette ». Depuis le tsunami du 26 décembre 2004, le pays a perdu une majeure partie de ses infrastructures administratives et doit se contenter de miser sur le tourisme. Mais la pandémie de Covid-19 a accentué les dettes déjà présentes.
Le 3 janvier dernier, le gouvernement avait pu lancer un vaste plan d’aide à la population avec plus d’un milliard d’euros investis. Malheureusement, cette aide n’a pas suffit à compenser l’inflation et les récentes flambées du prix du carburant et de l’électricité ont achevé l’économie du pays. Les 22 millions de locaux n’ont plus accès aux denrées alimentaires de premières nécessité et la capitale Colombo a perdu près de 70% de ses réserves de change depuis le début de la pandémie et a dû se résoudre à demander l’aide du Fond monétaire international (FMI) qui n’a toujours pas donné d’avis sur la situation. Le pays a dévalué sa monnaie de 15% pour essayer de compenser des mesures économiques antérieures.
Un soutien international attendu
Outre sa demande auprès du FMI, le Sri Lanka a besoin du soutien de ses pays voisins. De par sa position stratégique dans la zone Pacifique, le pays ne compte que 150 000 hommes dans son armée.
Gotabaya Rajapaksa a essayé d’entretenir de bonnes relations avec l’Inde depuis son élection. Cette dernière est le principal soutien économique de l’île. L’Inde a accepté de recueillir des réfugiés Sri Lankais depuis le 23 mars dernier et a ouvert une ligne de crédit d’un milliard de dollars au Sri Lanka en mars dernier pour alléger le fardeau des pénuries de ressources essentielles. Cependant Ram Nath Konvind, actuel Président indien n’a pas souhaité commenter la situation politique du pays.
La Chine a également souhaité aider le Sri Lanka au travers d’un partenariat économique de grande ampleur. Le 23 mars dernier et au terme de multiples négociations, l’Empire du Milieu a accepté de prêter 1,5 milliards d'euros à l’ancienne colonie britannique.
En contrepartie, le pays a ouvert à la Chine son territoire pour de futures collaborations. On peut penser que les paysages vertigineux et les grands espaces que compte l’île ont été un atout majeur dans cette collaboration puisque l’on sait que la Chine est dans une logique d’expansion de son territoire comme elle l’a fait en Afrique. Même si ces collaborations avec la Chine se font souvent au détriment des populations locales sur le long terme, elles permettent de renflouer les caisses très rapidement, exactement ce dont a besoin actuellement le Sri Lanka.
S’il pourra compter sur des alliés dans la zone asiatique, la situation du Sri Lanka inquiète l’Occident et le gouvernement français particulièrement. Celui-ci a d’ailleurs conseillé à ses ressortissants de quitter le pays, craignant pour leur sécurité.