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  • Hugo DAMEY-HERVIEU

La menace terroriste islamiste en France

Alors que la France pleurait ce sept janvier dernier la commémoration des attentats de l’Hyper-cacher et de Charlie Hebdo, la menace terroriste islamiste demeure encore bien présente sur notre territoire national. Il s’agit alors plus seulement d’une menace nationale, mais bien d’une menace transnationale à laquelle nous devons faire face.



 

Caractérisée par l’emploie de l’action terroriste comme méthode, la menace terroriste islamiste « a pour volonté de frapper l’opinion publique, de l’inhiber, en imposant un climat de terreur. Outre les victimes directes, l'État et la cohésion nationale font systématiquement office de cible symbolique, par des attaques protéiformes. Mais de toutes ces attaques, les tueries de masse restent sans doute les plus violentes, pour les victimes comme pour les pouvoirs publics ».


Ces attaques, bien que protéiformes, trouvent néanmoins des dénominateurs communs entre elles.

En dépit de la multiplicité des modus operandis des terroristes, c’est véritablement la volonté de faire le plus grand nombre de victimes en un minimum de temps, et le refus de toute reddition de la part des assaillants qui priment.


En outre, le terrorisme contemporain revête plusieurs autres caractéristiques.

Il est une menace hybride, basé sur la criminalité, démocratisé dans la société donc banalisé par ceux qui l’emploie, et massif dans sa fréquence temporelle donc totalement irrationnel. Plusieurs chercheurs s’étant penchés sur l’étude de ce phénomène, à l’image de Viatcheslav Avioutskii, affirment également le caractère « direct, donc brutal et rudimentaire du terrorisme contemporain ».


Bien que très présent sur la scène médiatique et dans notre mémoire collective, le terrorisme est et reste avant tout une affaire de droit.

Infraction criminelle régi principalement par l’article 421-1 du Code Pénal, l’acte de terrorisme se défini comme étant intentionnellement en relation, avec « une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». De manière plus précise, il recouvre deux catégories d'infractions, dans un premier temps les infractions existantes commises en relation avec une entreprise à caractère terroriste. Il s'agit alors d'infractions de droit commun, commises dans des circonstances particulières qui leur confèrent un caractère spécifique. En parallèle, il recouvre également plusieurs types d’infractions définies de manière autonome, sans référence à une infraction existante.


A l’heure actuelle, il serait inconcevable de considérer la problématique du terrorisme islamiste comme une « simple » menace nationale, mais bien comme une menace transnationale car cette forme de terrorisme confessionnel prend sa source par-delà les frontières de la France, et ses interactions avec l’international sont nombreuses.


Les origines de cette menace sont complexes.

Dans un premier temps, il s’agit de considérer que l’islamisme n’est pas de manière systématique à l’origine du terrorisme. Pour sa part, c’est une idéologie politico-sociale à caractère totale fondée sur une vision religieuse fondamentaliste de l’islam. Les islamistes sont alors des musulmans radicaux qui entrent dans un jeu politique, au nom de leur religion. Ils peuvent jouer le jeu de la démocratie, être utopiques et missionnaires, ou encore totalitaires lorsqu’ils sont déjà au pouvoir, guerriers lorsqu’ils veulent le conquérir par les armes.

Puis dans un second temps, il s’agit de considérer que le terrorisme islamiste, tel qu’on le connait, est né de l’expérience afghane. Le djihadisme regroupe alors une pluralité de dimensions. Il est avant tout sunnite, avec des origines iraniennes liées à la révolution de 1979, et afghanes par le biais du conflit entre 1979 et 1989. Puis, avec la naissance d'al Qaïda et la confiscation des thèses islamistes par leur actions, cela entérine définitivement la dominante historique sunnite du djihadisme. Également mondialisé, le terrorisme islamiste frappe à la fois le Dâr-al-Kufr , que le Dâr-al-Islam.

Enfin, cette menace qui frappe notre pays est divisée. Ainsi, une pluralité de groupes internationaux a pour objectifs de mener des attaques contre la France, telles qu’Al Qaïda et ses « branches », Daech et « ses branches », ou encore d’autres groupes islamistes.





Les raisons qui font de notre territoire national une cible d’attaques pour les groupuscules terroristes islamiste sont multiples. Et c’est sans nuls doutes cette multiplicité qui donnent du tort à nos services de renseignements. Pour lutter contre une menace, il faut avant tout comprendre les raisons profondes, qui font que celle-ci s’exerce sur notre société.


Dans un article datant de 2016, au titre explicite de « Why we hate you and why we fight you », Daech par le biais de ces auteurs, explique dans son magazine de propagande Dabiq, les raisons de cette volonté.

Pour ces fous de Dieu, la société française dans son ensemble serait la cible d’attaques justifiées, en vertu de « notre incroyance qui nous fait blasphémer ; de notre « libéralisme séculaire » qui permet ce qu’Allah bannit ; de notre athéisme ; de nos crimes contre l’islam ; mais également de nos crimes contre les musulmans (« drones et avions de combats qui bombardent ») ».

Cette déclinaison de raisons, tant alors naturellement à démontrer que la France, et plus globalement la société française, est attaquée pour ce qu’elle est et non pour ce qu’elle fait.

C’est là une hypothèse plus que plausible, car elle s’inscrit dans la continuité des propos tenus par Daech dans le numéro 15 de Dabiq. Ils y expliquent alors que « ce qu’il est important de comprendre ici, c’est que même si certains pourraient soutenir que vos politiques étrangères sont surtout ce qui motive notre haine, cette raison particulière de vous haïr est secondaire, c’est pourquoi nous l’avons abordée à la fin de la liste ci-dessus ».

Par ailleurs, les analyses les plus récentes et les plus complètes, menées par une équipe de chercheurs de l’Université d’Oxford, à propos du message de propagande de Daech, confirment que son sentiment anti-occidental est avant tout fondé sur le rejet d’une identité, davantage que sur celui d’une politique.


Cette volonté de guerre menée par ces groupes internationaux, conduit alors la France à faire face à deux typologies de menaces d’attaque sur le territoire national : les attaques planifiées et les attaques inspirées.

Les attaques planifiées, comme celles des attentats du 13 novembre 2015 sont montées directement depuis des zones de guerre, notamment dans la région irako-syrienne, par la cellule des opérations extérieures de Daech qui était basée dans un quartier de Raqqa en Syrie.


Mais les évolutions géopolitiques de cette région, tels que les chutes des principales emprises de Daech , reconquêtes par les troupes de Bachar El Assad des zones des groupes armés terroristes, intensification du feu par la Russie et les forces de la coalition dans le cadre de l’opération Chammal ont trop fortement complexifié la mise en place et le passage à l’acte d’attaque commanditée.

Ainsi, la menace terroriste islamiste en France se concrétise à l’heure actuelle par la menace d’attaques inspirées.

Si Daech a perdu ses capacités à projeter des opérations vers des pays étrangers, comme en France, la menace endogène est bien réelle. C’est ce que l’on nomme le djihad individuel. Entre 2017 et 2019, 48 projets terroristes « inspirés » ont ainsi été envisagés en France par des individus frustrés de ne pas avoir pu partir en Syrie : sept ont abouti, 10 échoués et 31 ont été déjoués. En outre, il est également à surveiller les personnes revenant de la région syro-irakienne, les éléments étant en contact avec des djihadistes francophones sur place, et les sorties sèches de prison.


Cette notion de menace transnationale à propos du terrorisme islamiste, se retrouve également dans la problématique de leur arsenal.

Les terroristes utilisent majoritairement des armes provenant des trafics internationaux. Mais les vols d’armes chez les forces de l’ordre, les particuliers ou les armuriers, sont également une source qui s’est malheureusement illustrée lors de l’attaque sur la policière municipale à la Chapelle-sur-Erdre.


A l’origine en octobre 1990, après la chute du communisme, la République Démocratique d’Allemagne disparaît avec fracas. A cette occasion, c’est entre 40 000 et 60 000 AK 47 ont été dérobées avec chargeurs et munitions... Puis, après la mort du maréchal Tito, la Yougoslavie se disloque en 1991. Des stocks importants d’armes de guerre sont alors dispersés et tombent aux mains de trafiquants internationaux. Si cette source commence à se tarir, des milliers d’armes (lance-roquettes, grenades, fusils d’assaut, pistolet-mitrailleur, etc..) sont encore en circulation sur les marchés parallèles.

Enfin, de manière plus contemporaine, les guerres civiles en Irak, en Libye, en Syrie, et en Ukraine (2014) ont également dispersé des milliers d’armes de guerre de tous types. Il est à noter que les trafics de drogues et d’êtres humains suivent les mêmes chemins que ceux des armes.

En parallèle, les vols d’armes chez des particuliers détenant légalement (tir sportif, chasse, collections) ou non des armes alimentent également le trafic d’armes.

Enfin, phénomène apparu en 2020, les cambriolages d’armureries en Suisse ont dispersé plus de 400 armes d’assaut. La réglementation dans ce pays n’oblige pas, comme en France, les armuriers à stocker les armes dans des coffre-fort.


Bien que les années passent depuis les attentats de l’Hyper-cacher et de Charlie Hebdo, la menace terroriste islamiste en France demeure à un haut niveau, et ses interactions avec l’international sont nombreuses et avérée.

Cela doit ainsi donner lieu à une intensification des actions bilatérales et multilatérales, avec nos partenaires internationaux, engagés dans la lutte contre cette menace.



 

Sources :


TREVIDIC Marc, Le roman du terrorisme - discours de la méthode terroriste, Flammarion, 2020


TREVIDIC Marc, Terroriste - les 7 piliers de la déraison, JC Lattès, 201


ABDERRAHIM Kader et PELPEL Victor, Géopolitique de l’état islamique, Eyrolles, 2019


KEPEL Gilles, L'Afrique berceau de l'Humanité : enquête sur le jihad, L’Histoire - mensuel N°293, 2004


BAELE Stephane, BOYD Katharine, COAN Travis, ISIS Propaganda - A Full-Spectrum Extremist Message, Oxford University Press, 2020


ESTEVES Solange, Au procès du 13-Novembre, la DGSI décrit la facilité avec laquelle les djihadistes allaient en Syrie, Ouest France, publié le 09/11/2021, disponible en ligne sur (https://www.ouest-france.fr/faits-divers/attentats-paris/proces/direct-proces-des-attentats-du-13-novembre-deux-agents-de-la-dgsi-temoignent-a-l-audience-f15086a8-40b0-11ec-b2cb-c1e4c742feea)


Tribune collectif, Guerres et terrorisme : « Ne pas manipuler les faits », L’Obs, publié le 01/12/2020, disponible en ligne sur (https://www.nouvelobs.com/bibliobs/20201201.OBS36842/guerres-et-terrorisme-ne-pas-manipuler-les-faits.html#)


STROOBANTS Serge, L’Etat islamique post califat : sans Etat mais pas sans moyen, Diplomatie - affaires stratégiques et relations internationales, n°99, 2019, pages 48-53


THIBON Jean-Jacques, Les origines de l’Islam et ses fondements, Diplomatie - affaires stratégiques et relations internationales, n°64, 2021, pages 13-15






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