- Clément Poissonnier
Kylian M’bappé, un enjeu géopolitique mondial
On le sait tous, le football dépasse les intérêts purement sportifs. La nouvelle star du ballon rond français Kylian M’bappé, en fin de contrat à l’issue de saison, cristallise toutes les attentes des supporters et des dirigeants du monde entier.
Après l’élimination du Paris Saint Germain (PSG) en ligue des champions face au Real Madrid le 09 mars 2022, un seul débat était sur toutes les lèvres des supporters du monde entier. Que doit faire M’bappé ?
L’ancien joueur monégasque arrive au terme de son contrat de 5 ans avec le club de la capitale française. Après la covid-19 et les difficultés des joueurs à être payé en bonne et due forme, bon nombre d’athlètes ont fait le choix sportif d’arriver au terme de leur contrat pour avoir accès immédiatement à une gargantuesque prime à la signature. Et quand il s’agit d’un des meilleurs footballeurs en activité, les tensions autour de son avenir se font sentir dans les plus hautes arcanes des États.
M’bappé, du haut de ses 23 ans, a réussi ce défi. On a appris ce 6 avril dans une vidéo YouTube du journaliste Romain Molina que le joueur avait été contacté par le Président français Emmanuel Macron pour discuter de sa prolongation de contrat. Le Président Emmanuel Macron, supporter de l’Olympique de Marseille, aurait tout intérêt à voir prolonger le joueur sous l’égide d’une équipe française. Le candidat à sa réélection lors des prochaines présidentielles, le 10 avril 2022, profiterait pleinement de ce mouvement. On sait que le sport peut influencer le moral des peuples comme par exemple la victoire en Coupe du Monde en 1998 en France qui avait permis à Jacques Chirac de voir sa côte de popularité instantanément.
En plus de l’intérêt démagogique, de forts intérêts économiques sont en jeu. La masse salariale du PSG a dépassé les 600 millions d’euros en 2022. Kylian M’bappé touche lui près de 22 millions d’euros par an de salaire. Ses impôts s’élèvent donc à près de 4 millions d’euros, une manne financière démentielle qui viendrait entacher, en cas de départ dans un autre club, les comptes de l’Etat.
M’bappé, au centre d’une politique étatique Qatari
La coupe du monde 2022, organisée au Qatar, est l’un des fleurons de l’expansionnisme étatique à l’international des pays du golfe. Ces pays, considérés comme des nouvelles puissances sur l’échiquier international, ont grandement besoin de visibilité pour améliorer leur image et acquérir une valeur politique. Par conséquent, les pays du golfe multiplient les investissements dans ce qu’ils appellent la diplomatie sportive. Le Qatar organise la coupe du monde 2022 et est candidat à l’organisation des Jeux Olympiques 2032. L’Arabie Saoudite a accueilli sur ses terres la course de rallye du Dakar, la Supercoupe d’Espagne et le premier Saudi Tour de vélo alors que seulement 1% de la population pratique le cyclisme. Le pays a également finalisé l’achat du club anglais de Newcastle en Angleterre le 7 octobre 2021, promettant des budgets démentiels. Le club mythique de l’Inter Milan en Italie devrait sous peu rentrer sous giron saoudien. Le tandem Dubaï-Abu Dhabi participe également activement à cette diplomatie sportive. Abu Dhabi a racheté en Angleterre le club de Manchester City en 2009. Le pays a fondé sa propre équipe cycliste qui participe aux grands tours et organise même un Grand Prix de formule 1. Dubaï, au travers de sa société aérienne Emirates, sponsorise les plus grands clubs comme Arsenal ou le Real Madrid. Dans une moindre mesure, Bahreïn a acheté des parts du club francilien du Paris FC et organise un Grand Prix de F1. C’est une réelle guerre d’influence qui agite tous les pays du golf. Et voir l’un des meilleur joueur actuel du sport le plus populaire partir serait un véritable coup de massue pour le Qatar. On sait que par exemple en 2018, l’année de l’arrivée de M’bappé à Paris, le club a vendu près de 800 000 maillots floqués à son nom. Maillot sur lequel figurait l’acronyme QNB pour Qatar National Bank. C’est donc un véritable outil de soft power pour le club de la péninsule arabique. On comprend mieux pourquoi le président du PSG, Nasser Al Khelaïfi, met tout en œuvre pour le conserver. Un salaire de 50 millions d’euros par an lui aurait d’ailleurs été proposé. Une somme astronomique pour un footballeur mais est-ce vraiment si cher pour une arme diplomatique internationale ? Rien n’est moins sûr. Comme l’expliquait Bernard Tapie en 1989, alors président de l’Olympique de Marseille, « payer 20 millions d’euros par an pour Maradona, c’est cadeau » puisque les ventes de maillots et la notoriété apportée n’était pas quantifiable
M’Bappé, un acteur engagé au coeur des problématiques du millénaire
En plus d’être un footballeur de grand talent, le natif de Bondy en région parisienne est un acteur engagé auprès des jeunes générations. Il a par exemple refusé de se rendre dans une opération de sponsoring organisée par sa fédération lors du dernier rassemblement des bleus, mettant en cause la probité des entreprises avec lesquelles la fédération travaillait. De la malbouffe aux paris sportifs, aucun sujet n’est évité par le champion du monde français. Il a demandé à renégocier la charte de la fédération suite à cette affaire. Ce point est primordial selon lui mais cela pose question. Le fait-il réellement dans un esprit humaniste et pédagogue ou est-ce dans un intérêt personnel, d’image et de finance ? L’on sait d’ores et déjà qu’une des condition dans le choix de son nouveau club est que ses droits d’images lui appartiennent pour qu’il puisse choisir lui-même à qui son nom sera associé.
La totalité des primes qu’il reçoit en Equipe de France est reversée à plusieurs associations, un marqueur fort d’engagement sociétal. Le joueur a parfaitement conscience du rôle qu’il doit jouer au sein des jeunes générations.
Le joueur, suivi par près de 70 millions de followers sur Instagram et 8 millions sur twitter, est l’un des joueurs les plus bankable du monde. Plusieurs entreprises multinationales sont d’ailleurs son sponsor à titre personnel comme Nike, Hublot ou Electronic Arts. Le joueur est donc la tête de gondole de la nouvelle génération, et que ce soient les entreprises, les politiques ou les clubs sportifs tout le monde l’a bien compris.