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  • Chloé LENOIR

Cour suprême des États-Unis : l’action contre le dérèglement climatique fragilisée

Jeudi 30 juin dernier, la Cour suprême des États-Unis a limité les moyens de l’État fédéral en termes de lutte contre le dérèglement climatique en ôtant à l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA), une agence fédérale indépendante du gouvernement, « le pouvoir de répondre au défi environnemental le plus pressant de notre époque ». Une désillusion pour les défenseurs de l’environnement.


 

Seulement 6 jours après l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade, qui protégeait constitutionnellement le droit à l’avortement, la Cour suprême conservatrice a pris une nouvelle décision controversée qui va à l’encontre des efforts de l’administration Biden pour réduire les émissions de CO2 de 50% en 2030 par rapport à 2005. Cette décision, adoptée par les six juges Républicains contre l’avis de leurs trois collègues démocrates, supprime le pouvoir décisionnaire au niveau fédéral et rend ainsi les 50 États souverains de leur politique énergétique.



« Un signal d’alerte »


Alors que la haute juridiction a affaibli les moyens fédéraux de la lutte contre le réchauffement climatique, estimant que l’EPA est allée trop loin en 2015 en encourageant et qu’elle ne doit pas édicter des règles générales pour réguler les émissions des centrales à charbon, le monde s’inquiète d’une nouvelle décision climaticide. Jeudi, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a affirmé « qu’il s’agit d’un recul dans notre lutte contre le changement climatique, alors que nous sommes déjà très en retard dans la réalisation des objectifs de l’accord de Paris. »


Quinze ans après avoir décidé que l’EPA était compétente pour réguler les émissions de gaz responsables du réchauffement climatique, la décision de la Cour, défendue par son président John Roberts qui précise que « Mettre une limite aux émissions de dioxyde de carbone à un niveau qui imposerait de renoncer au niveau national au charbon pour produire l'électricité pourrait être une solution pertinente à la crise d'aujourd'hui. Mais il n'est pas plausible que le Congrès ait donné à l'EPA l'autorité d'adopter une telle mesure » , met à mal la politique environnementale menée par Joe Biden jusqu’ici. Déjà en 2017, deux ans après le « Clean Power Plan » adopté sous la présidence de Barack Obama qui chargeait l’EPA de réduire les émissions de carbone, Donald Trump abrogeait la loi, limitant fortement l’action environnementale de l’agence.

Cette nouvelle limitation a de lourdes conséquences : désormais, les États sont libres de toute contrainte énergétique et peuvent utiliser les centrales à charbon qui produisent près de 20% de l’électricité du pays, sans se soucier des émissions de gaz à effet de serre.


L’état fédéral, privé de ses moyens, s’indigne du nouvelle décision à contre-courant. "Notre planète est en feu et cette Cour suprême extrémiste détruit la capacité du pouvoir fédéral de se battre", a déploré la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, qui avait déjà dénoncé l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade.


De son côté, Joe Biden a réagi en affirmant qu’il n’hésitera pas « à utiliser les pouvoirs que (lui) confère la loi pour protéger la santé publique et s’attaquer à la crise du changement climatique ». Face à lui, le parti républicain, hostile à toute régulation fédérale des énergies fossiles, reproche à Joe Biden de « mener une guerre contre les énergies à prix abordable », comme l’affirme Mitch McConnell, chef du parti au Congrès. En parallèle, le président subit d’ores et déjà la pression de groupes écologistes, à l’instar du Sierra Club, l’une des principales ONG environnementales États-uniennes qui estime que la solution doit venir des États fédérés et du secteur privé, contrôlés par le gouvernement fédéral.



L’importance de l’EPA dans la lutte contre le dérèglement climatique


Créée en 1970 sur proposition du président Nixon, l’Agence pour la protection de l’environnement a pour but d’élaborer et de faire respecter la réglementation sur l’environnement au niveau fédéral. Pour cela, elle dispose de moyens lui permettant de gérer les allocations budgétaires ainsi que d’effectuer des enquêtes et travaux relatifs à l’écologie. À travers son Bureau des affaires internationales, l’EPA est également responsable de la lutte contre le réchauffement climatique au niveau mondial en encourageant une politique environnementale transnationale.


Avec un budget de 10,6 milliards d’euros, l’agence permet tous les ans l’apparition de nombreuses normes et contraintes visant notamment les entreprises climaticides avec une importante empreinte carbone. Progressivement, ses pouvoirs se sont élargis, avec la possibilité d’exercer une influence au niveau de la législation. En effet, grâce à différentes lois, de nouvelles compétences lui ont été attribuées, lui permettant de dépasser son simple rôle d’organisation pédagogique. En outre, en s’efforçant de limiter les émissions de gaz à effet de serre afin de tenir les objectifs de l’accord de Paris, l’agence a, de facto, un important rôle à jouer dans la lutte contre le dérèglement climatique au niveau fédéral et international.


Néanmoins, bien qu’indépendante du gouvernement, l’EPA demeure tout de même soumise à l’administration du pays et souffre de cette affiliation. Pour cause, l’administrateur, décideur principal chargé de diriger l’agence, est directement nommé par le président, sous réserve de l’approbation du Congrès. En 2016, en raison de ce lien, l’Agence pour la protection sur l’environnement a eu la mauvaise surprise de voir nommée Myron Ebell, climatosceptique endurcie, à la tête de l’EPA à la suite de la décision de Donald Trump, alors président. Par la suite, c’est Scott Pruitt, fermement opposé à la création de l’agence, qui a pris la direction de celle-ci et qui y a mené une politique laxiste envers les industries des énergies fossiles.

Si l’EPA a aujourd’hui retrouvé de sa splendeur grâce à la nomination du démocrate Michael S. Regan en 2021 par le président Joe Biden, l’environnement a souffert durant cinq ans d’un laxisme terrible de la part des dirigeants de l’agence fédérale, démontrant la nécessité de l’existence d’une législation forte pour lutter contre le réchauffement climatique.


Néanmoins, si la décision entrave l’action de l’EPA en limitant sa sphère d'influence, celle-ci reste cantonnée au seul article de la loi sur la qualité de l’air, le Clean Air Act, et ne l’empêche donc pas d’agir en dehors de ce champ d’action. Le site américain Grist, engagé dans la préservation de l’environnement, estime que “La décision de la Cour suprême au sujet de l’Agence de protection de l’environnement [EPA] aurait pu être bien, bien pire”. En effet, la Cour n’ayant pas annulé l’article 111, l’agence pourra continuer de réglementer les émissions de C02 des véhicules ou encore exiger que les centrales électriques existantes utilisent les meilleures technologies disponibles.


“Un des grands paradoxes de cette histoire, c’est que la réglementation en cause, le Clean Power Plan, n’est jamais entrée en vigueur”, conclut Grist.



Le camp démocrate déterminé à tenir ses objectifs


Soutenus par l’ONU, le président Biden et ses alliés se disent « déterminés à atteindre [leurs] objectifs ». Bien que conscient de la supériorité de la haute juridiction, le camp démocrate ne désespère pas et croit au maintien d’une politique climatique favorable à la réduction des énergies fossiles. « Bien sûr, cela nous aiderait si nous avions une majorité à la Cour suprême des États-Unis qui comprenait vraiment la gravité de la situation et serait plus à même d'essayer d'aider plutôt que, d'une manière ou d'une autre, mettre des bâtons dans les roues » concède tout de même le gouvernement.


Face à cela, le président n’exclut pas la possibilité de contourner la décision de la Cour en utilisant l’executive order (décret) qui ont force de loi. Joe Biden pourrait décider d’user de ce décret pour redonner à l’EPA ses moyens de lutte contre les centrales à charbon sans avoir le feu vert des parlementaires. Si les executive orders peuvent, dans les faits, être annulés par le Congrès ou un tribunal, ils ont rarement fait l’objet de contestations et constituent ainsi un important pouvoir pour le président. Bien que Franklin D. Roosevelt détient le record avec 3 271 décrets promulgués durant ses douze années de présidence, Donald Trump a, lui aussi, profité de ce droit, avec pas moins de 202 décrets durant son mandat.

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