- Clément Poissonnier
Amazonie : Un lieu géostratégique mondial aux portes de l’extinction
L’Amazonie, et sa forêt souvent appelée poumon de l’humanité, tentent de se reconstruire après les terribles incendies de 2019. Une reconstruction obligatoire en vue de l’importance stratégique de ce territoire.
La forêt amazonienne est la plus grande forêt du monde. Elle mesure près de 6 millions de kilomètres carrés et traverse neuf pays que sont le Brésil, le Pérou, la Colombie, le Vénézuela, la France, le Suriname, Guyana, la Bolivie et l’Equateur. Elle abrite une des plus grandes biodiversité au monde avec plus de 40 000 plantes présentes dans les bassins amazoniens. On y dénombre également 3 000 espèces de poissons d'eau douce et plus de 370 reptiles, soit une espèce sur dix connues sur Terre.
Cet énorme espace vert est une priorité. Alain Pavé, professeur à l’Université Claude-Bernard à Lyon et ancien Directeur du Programme Amazonie au CNRS explique pourquoi cette zone est en perpétuel changement : « L’écosystème amazonien contient 10 à 13 % de la biodiversité continentale, pour 5% des terres émergées . Il n’y a pas de recensement précis des espèces présentes en Amazonie. Celui concernant les arbres est particulier . Toutes catégories confondues, on peut prendre comme points de repères quelques estimations collectées dans la littérature : de l’ordre de 2 millions d’espèces vivantes, incluant, par exemple, ~45 000 espèces végétales, ~1,3 millions d’espèces d’animales, dont ~1 million d’insectes, de l’ordre de 500 pour les mammifères, de 1 300 pour les oiseaux et de 3000 pour les poissons des fleuves. On est extrêmement loin d’avoir tout recensé et même tout simplement d’avoir des estimations fiables pour tous les groupes Aujourd’hui les recherches se focalisent plus sur l’étude des processus que sur les recensements et, maintenant, ces derniers ne sont faits que selon les besoins des études fonctionnelles.”
Cet espace en perpétuel changement est un véritable point d’ancrage d’Amérique du Sud. De par sa richesse naturelle, mais également du fait de l'espace stratégique qu'elle représente, cette forêt cristallise des tensions inter-étatiques.
Un pôle d’influence majeur au Brésil
La forêt amazonienne est un véritable pôle d’influence et plusieurs populations endémiques revendiquent des territoires tout autour de la forêt tropicale. Malgré des efforts de certains pays pour les préserver, la déforestation ainsi que la mainmise de l’homme moderne a grandement bouleversé les positions géostratégiques des différents pays limitrophes à la forêt amazonienne. La construction de barrages est un enjeu majeur pour les pays. Au Brésil par exemple, le barrage de Belo Monte a été un vecteur important de discordes.
Situé sur le Rio Xingu dans l'État fédéral de Para au Brésil, il est associé à une centrale hydroélectrique qui est la quatrième plus puissante du monde. Le Brésil, qui est six fois plus grand que la France, a besoin de trouver des ressources énergétiques diverses. Le fait que l’Amazone, plus grand fleuve au monde, le traverse est une bénédiction pour son Président très décrié Jair Bolsonaro.
Cependant le projet est extrêmement critiqué par les populations autochtones. Il inonde en effet 500 km² et aurait un impact considérable sur l’environnement. De multiples manifestations ont été faites un peu dans tout le pays et des pétitions ont également été mises en place. Plusieurs chefs de tribus autochtones comme celui des Raoni ou celui des Kayapos ont manifesté à Paris pour se plaindre du projet.
Des tensions au sein du continent
L’Amazonie regroupe un faible bassin mais impacte un grand nombre de pays, directement ou indirectement. Ces tensions se font ressentir au niveau régional. Ce ne sont pas des conflits à propos de la gestion de l’eau comme au Nil ou au Gange mais des conflits inter-étatiques autour de la gestion des espaces pour les ressources naturelles.
L’exemple le plus marquant est le conflit entre le Brésil et le Vénézuela. Les tensions entre les deux pays datent du début du siècle. Les deux pays ont tissé quelques liens autour de l’exploitation de l’énergie. Cependant la construction du barrage de Belo Monte a suscité de grandes tensions entre les deux pays. En 2011, même si le projet avait reçu l’aval du Marché commun du Sud (MERCOSUR), le Vénézuela a tenté de négocier de plus grosses parts des bénéfices faits par le barrage.
La situation s’est cependant calmée par la suite mais la crise sociale vénézuélienne a causé un immense exode de réfugiés au Brésil. Comme l’explique Teodoro Plinio, « Le Président brésilien Jair Bolsonaro voit d’un mauvais œil l’arrivée de vénézuéliens et il a ordonné la simulation d’une guerre en 2020 entre les 2 pays. L'armée brésilienne a dépensé millions de dollars en carburant et en transport uniquement pour simuler une guerre contre le Venezuela en Amazonie courant septembre, tandis que le gouvernement Jair Bolsonaro a déclaré comme persona non grata les représentants diplomatiques du gouvernement Nicolás Maduro dans le pays. Dans le même temps, il a reconnu les personnes envoyés par Juan Guaidó.
L’Amazonie, malgré son patrimoine naturel exceptionnel, est ainsi source de tensions économiques et politiques majeures pour les pays qu'elle traverse, et sa protection est au cœur des enjeux du XXIème siècle.